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  • : OGM : environnement, santé et politique
  • : Actualité et faits scientifiques sur les OGM. Postmodernisme en science.
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Introduction

Le propriétaire de ce site ne dit pas si les OGM c’est bien ou mal, s’il faut en manger ou pas. Il n'est payé ni par Monsanto, ni par Carrefour, ni par Greenpeace... (lire la suite).    

Ses analyses sur les biotechnologies ont été poursuivies sur le cadre idéologique plus large, celui de la postmodernité.

 

ENGLISH VERSION uk-flag                                                    

 

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L'auteur

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’Université Grenoble-Alpes, ses seules sources de revenus. Ses analyses n'engagent pas ses employeurs.

 

Nouvel ouvrage:

De la déconstruction au wokisme. La science menacée.

Notes pour la Fondapol (téléchargeables)

Glyphosate, le bon grain et l'ivraie

 

Précédent : L'affaire Séralini: l'impasse d'une science militante

Autres ouvragescouv grand public :

OGM, la question politique

 

 

 Les OGM, l'environnement et la santé  

 

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26 février 2019 2 26 /02 /février /2019 12:16

Alors que le CNRS fête ses 80 ans, la grogne monte en raison de la réduction de ses effectifs. Une autre atteinte menace tout autant : la soumission volontaire à l’air du temps…

Tribune publiée par Le FigaroVox le 4 février 2019 sous le titre

"Théorie du genre et écriture inclusive ont pris le pouvoir au CNRS: le cri d'alarme d'un chercheur" (NB. titre et présentation sont des choix du journal)

 

Version "augmentée":

Le 26 octobre 2017, l'Académie française a adopté à l'unanimité une déclaration contre l'écriture dite «inclusive», qui explique que «la multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu'elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité» et que «la langue française se trouve désormais en péril mortel».

Une circulaire du Premier ministre avait aussi banni l'usage administratif de l'écriture inclusive, en tout cas de la «graphie» dénoncée par l'Académie française, en rappelant que «le masculin est une forme neutre qu'il convient d'utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes», tout en demandant de recourir à des formules telles que «le candidat ou la candidate» ce qui permettrait «de ne marquer de préférence de genre».

 

Dans un tel contexte, on peut s'étonner de trouver aujourd'hui dans des documents officiels de la recherche publique, du CNRS par exemple, des monstruosités grammaticales telles que «technicien.ne.s, ingénieur.e.s et chercheur.e.s». Essayons d'en analyser les raisons.

 

L'objectif affiché de l'écriture inclusive est d'imposer une égalité des «représentations» entre les femmes et les hommes. En réalité, il s'agit d'un champ de bataille idéologique, où resurgit la dialectique marxiste des rapports exploiteurs/exploités, oppresseurs/opprimés, revisitée par l'idéologie postmoderne - où la société est vue comme une juxtaposition de communautés, la plupart rangées en catégories victimaires (dont les femmes).

De ce fait, l'introduction de l'écriture inclusive, en supprimant le neutre, prend le risque de communautariser les deux sexes, et d'aboutir non à une égale représentation, mais d'inciter les «victimes» à se vivre comme telles, et à faire endosser aux mâles (hétérosexuels) le statut de bourreau.

 

En France, la différence salariale demeure une insupportable discrimination contre les femmes. Mais cela ne concerne pas les institutions scientifiques où s'applique la grille indiciaire des fonctionnaires.

A titre personnel et après trente années de carrière, je n'ai pas pu identifier d'exemple de discrimination à l'embauche contre une femme qui voudrait s'engager dans une carrière scientifique. Ni pour une promotion. La raison est que ce milieu est culturellement tourné vers la prise en compte de la «production scientifique», et non pas vers d'autres critères (sexuels, ethniques, etc.). S'il y a des exceptions, qu'elles soient mises en lumière. Il peut y avoir, bien sûr, comme dans tous les milieux, des harcèlements inacceptables. Et même s'ils sont rares, il faut y remédier. Mais, disons-le clairement, rien ne justifie de laisser croire qu'il existe une inégalité professionnelle délibérée au sein d'organisme de recherche comme le CNRS.

 

Dans ce contexte, l'existence d'une «Mission pour la place des femmes au CNRS» mérite un examen critique. Même si on peut en douter, admettons que son objectif d'«agir pour l'égalité professionnelle au sein du CNRS» puisse avoir une utilité. Cette Mission n'en reste pas moins influencée par l'idéologie du genre, impulsée par des sciences humaines et sociales, thuriféraires du postmodernisme. Parmi les «déconstructions» du postmodernisme (Les Lumières, la science, la vérité, la nation, la transmission) figure aussi l'altérité des sexes. Et pour ces idéologues, s'il n'y a pas une parité absolue dans telles ou telles disciplines scientifiques, ou dans tels ou tels postes, cela ne peut être dû qu'à des «discriminations» ou à des «stéréotypes genrés» inculqués par la société.

 

Ainsi, pour revenir à l'écriture inclusive, son usage est porté par ce mythe constructiviste: l'être humain est à l'origine une page blanche et chacun pourra noircir sa page comme il l'entend (y compris choisir son genre) pourvu qu'il ne soit pas formaté par un héritage civilisationnel. Il s'agit en réalité d'un rêve despotique, peut-être doux, de bobos bien-pensants, mais une forme de despotisme quand même, portée par des inquisiteurs qui veulent nettoyer la grammaire et le langage et éliminer tout comportement non-politiquement correct.

 

Les discriminations sur la base du sexe existent encore en France (précisons néanmoins qu'elles sont beaucoup moins vives dans les pays occidentaux que dans certaines autres parties du monde...). Il ne s'agit donc pas de nier l'utilité d'études sur leurs causes. Ce qui est contestable est que le CNRS soutienne dans sa communication institutionnelle des constructions idéologiques comme celles qui appellent à «en finir avec la fabrique des garçons» (sic). De même est-il bien raisonnable d'alléguer de but en blanc dans un éditorial que «la vision androcentrique de la société a pu influencer les approches expérimentales et biaiser les interprétations scientifiques»? Une vision politisée dénonçant comme «réactionnaire antigenre» toute critique à l'encontre de la «théorie du genre» (en fait il s'agit d'une idéologie du genre) doit-elle avoir sa place dans la communication institutionnelle du CNRS?

 

L'esprit critique faisant partie intégrante de la démarche scientifique, de telles réactions ne peuvent que confirmer que, en la matière, le pouvoir a été pris au CNRS par des tenants d'une approche non scientifique de problèmes par ailleurs bien réels.

A l'heure où les choix politiques et budgétaires sont difficiles, la science a-t-elle intérêt à obéir aux injonctions des minorités agissantes, au risque de se couper d'une autre partie de la société?

 

 

Quelques uns de mes autres articles sur l'idéologie postmoderne :

 

Le positionnement dans un rapport de pouvoir de certaines SHS

 

« Dans son zèle diversitariste, l’idéologie postmoderne n’hésite pas à abandonner, pour certaines « communautés », une valeur civilisationnelle comme l’égalité homme-femme ! »

 

Menaces « post-modernes » sur la science

 

Mes articles dans EMBO Reports :

The postmodern assault on science. If all truths are equal, who cares what science has to say? (publié en français par la revue Commentaire, n° 147, automne 2014)

Why the postmodern attitude towards science should be denounced

 

Mes articles dans Trends in Biotechnology:

Scientists should oppose the drive of postmodern ideology (2016)

Science and postmodernism: from right-thinking to soft-despotism (2017)

 

Dans Science: Kuntz M. (2017) Precaution: Risks of public participation. Science, 355(6325):590

 

Technological Risks (GMO, Gene Editing), What Is the Problem With Europe? A Broader Historical Perspective. Front. Bioeng. Biotechnol., 09 November 2020

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1 mars 2018 4 01 /03 /mars /2018 11:13

Nouvelle/New Publication

The ethical concerns about transgenic crops

Agnès E. Ricroch, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG, Marcel Kuntz

Biochemical Journal, 2018,

http://www.biochemj.org/content/475/4/803

(résumé en Français ci-dessous)

 

It is generally accepted that transgenesis can improve our knowledge of natural processes but also leads to agricultural, industrial or socio-economical changes which could affect human society at large and which may, consequently, require regulation. It is often stated that developing countries are most likely to benefit from plant biotechnology and are at the same time most likely to be affected by the deployment of such new technologies. Therefore, ethical questions related to such biotechnology probably also need to be addressed. 

 

We first illustrate how consequentialist and non-consequentialist theories of ethics can be applied to the “GMO” debate, namely consequentialism, autonomy/consent ethics (i.e. self-determination of people regarding matters that may have an effect on these people), and virtue ethics (i.e. whether an action is in adequacy with ideal traits). We show that these approaches lead to highly conflicting views.

We have then refocused on moral “imperatives”, such as freedom, justice and truth. Doing so does not resolve all conflicting views, but allows a gain in clarity in the sense that the ethical concerns are shifted from a technology (and its use) to the morality or amorality of various stakeholders of this debate.

 

Thereby, topics of interested are not only patenting and restrictions for breeders and farmers by seed companies,

but also destruction of scientific research and harassment of researchers studying GMOs,

harassment of farmers growing GMOs in some countries,

and the construction of their own parallel “science” by opponents,

as well as politically-motivated distortion of scientific facts by some governments,

not to forget thewords of mass destruction” of some media.

 

 

Les préoccupations éthiques à propos des cultures transgéniques

 

Il est généralement admis que la transgénèse peut améliorer notre connaissance des organismes vivants, mais conduit également à des changements agricoles, industriels ou socio-économiques qui pourraient affecter la société humaine dans son ensemble et qui, par conséquent, pourraient nécessiter une réglementation particulière. On dit souvent que les pays en développement sont les plus susceptibles de bénéficier de la biotechnologie végétale et qu'ils sont en même temps les plus susceptibles d'être affectés par le déploiement de ces nouvelles technologies. Par conséquent, les questions éthiques liées à cette biotechnologie doivent probablement aussi être traitées.

 

Nous illustrons d'abord comment les théories conséquentialistes et non conséquentialistes de l'éthique peuvent être appliquées au débat sur les « OGM », à savoir le conséquentialisme, l'autonomie / l'éthique du consentement (autodétermination des personnes concernant les sujets pouvant affecter ces personnes) et l’éthique de la vertu (c.-à-d. si une action est en adéquation avec des idéaux). Nous montrons que ces approches conduisent à des vues très conflictuelles.

Nous nous sommes ensuite recentrés sur des «impératifs» moraux, tels que la liberté, la justice et la vérité. Cela ne résout pas tous les points de vue contradictoires, mais permet au début de gagner en clarté, dans le sens où les préoccupations éthiques sont déplacées d'une technologie (et de son utilisation) à la moralité ou à l'amoralité de diverses parties prenantes de ce débat.

 

Ainsi, les sujets d'intérêt ne sont pas seulement les brevets et les restrictions pour les agriculteurs par les entreprises semencières,

mais aussi la destruction des travaux de la recherche scientifique et le harcèlement des chercheurs qui étudient les OGM,

le harcèlement des agriculteurs cultivant des OGM dans certains pays,

et la construction de leur propre "science" parallèle par les opposants,

ainsi que la distorsion - politiquement motivée - des faits scientifiques par certains gouvernements,

sans oublier les "mots de destruction massive" de certains médias.

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10 février 2017 5 10 /02 /février /2017 14:48

Les rapports entre scientifiques et les autres citoyens deviennent un enjeu politique majeur, en tout cas pour les forces politiques qui veulent contrôler la science pour mieux empêcher les innovations qui leur déplaisent. Un certain courant de pensée dans les « sciences » humaines joue un rôle hégémonique dans la propagation de l’idée que « le public» doit intervenir en amont dans les recherches.

 

Ce qui est devenu une pensée unique a ainsi influencé un rapport (par ailleurs intéressant) des Académies nationales des sciences, d'ingénierie et de médecine (NAS) des États-Unis sur le « forçage génétique » ("gene drive"). Plus récemment, des auteurs de ce rapport ont publié un article auto-congratulatoire sur ce rapport, en omettant de mentionner les aspects les plus problématiques du rapport (pourtant visibles comme le nez au milieu de la figure, car en sous-titre du rapport : aligner la science avec les « valeurs du public »). On pourrait rappeler Galilée ou Giordano Bruno, ou encore la science prolétarienne ou encore la science aryenne comme exemples de ce que peut devenir une science « alignée » sur les « valeurs » en vogue à un moment donné.

 

Je viens de publier dans la même revue (Science 355 (6325), p.590, February 9, 2017) une réponse traduite ici.

 

Selon le rapport de la NAS, les scientifiques devraient impliquer le « public » tôt et souvent dans leur recherche, lorsqu'ils explorent de nouvelles technologies, dans le but d'éviter le rejet du « public » plus tard dans le processus. Cependant, même si cela est devenu la pensée dominante, il n'y a simplement aucune preuve que le fait d'engager le public au début de la recherche, et «à égalité», profite aux scientifiques ou à la société.

 

Inclure «un large éventail de parties prenantes» signifie inviter au débat ceux qui ont des vues sans compromis, comme les militants anti-technologies. Ces parties prenantes sont très habiles à déployer des valeurs telles que la justice et la démocratie pour atteindre leurs propres objectifs. Mais, au début du processus de recherche, les scientifiques ne seront pas encore équipés de données à apporter au débat. En conséquence, les discussions ne peuvent qu’être dominées par des opinions et des intérêts économiques ou politiques enracinés à ce moment. Cela n'empêcherait pas les décideurs d'adopter des politiques qui s'appuient sur des perceptions erronées et des craintes plutôt que sur des preuves.

 

Comme l'a clairement indiqué la querelle sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), l'approche participative et ses avantages pour la science, l'évaluation des risques ou la compréhension générale de ces processus nécessitent des analyses critiques.

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29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 20:40
Des Nobels dénoncent les agissements de Greenpeace

Plus de 100 lauréats du Prix Nobel publient une déclaration en faveur de l’agriculture moderne et une lettre ouverte condamnant certaines « ONG » et gouvernements qui contrecarrent les progrès pouvant sauver des vies.


Ces lauréats du prix Nobel de diverses disciplines expriment leur soutien à l'agriculture de précision pouvant bénéficier des OGM et appellent les dirigeants de Greenpeace, les Nations Unies et les gouvernements du monde entier à se joindre à eux. Ces lauréats du prix Nobel dans des domaines, comme la médecine, l'économie, la physique, la chimie, la littérature et la Paix ont signé une lettre ouverte demandant à Greenpeace et à d'autres qui ont bloqué les progrès et l'accès aux bienfaits des produits de la biotechnologie végétale, comme le riz doré, d'abandonner leurs campagnes contre les OGM.

Un site Web présente les détails de la déclaration de ces lauréats du prix Nobel, la liste des signataires et les connaissances sur les avantages et la sécurité des OGM.

Le Nobel Sir Richard Roberts a déclaré: «Dans notre lettre, nous demandons à Greenpeace et à d’autres organisations de mettre fin à leur campagne honteuse de propagande et leur destruction criminelle des cultures améliorées par les technologies génétiques modernes, comme les OGM." Roberts a ajouté: «Nous appelons les gouvernements et les organisations internationales à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’opposer à l'obstruction anti-OGM et à accélérer l'accès pour les agriculteurs aux outils pouvant sauver des vies fournis par la biotechnologie moderne ".

Les Lauréats ont exhorté les décideurs, le public et d'autres à venir ajouter leurs noms à la liste des signataires et ont demandé combien de personnes pauvres dans le monde doivent mourir avant que nous considérions cela comme un "crime contre l'humanité".

 

Lire aussi le communiqué de l'AFIS et un article de L'Express, de L'Opinion, de L'Usine Nouvelle.

Quand Greenpeace coule son éthique

Greenpeace crie à la censure. On rêve ?

Quand Leclerc est attaqué car il refuse le chantage de Greenpeace

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18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 09:48

Il y a 3 ans, le 19 septembre 2012, le Criigen, l’organisation anti-OGM créée par la politicienne et avocate Corinne Lepage, publiait sa fameuse « étude-choc » (Séralini et coll.) accompagnée d’une vaste opération médiatique. Il s’agissait de marteler que la consommation par des rats du maïs NK603 ou de l’herbicide associé provoquait des tumeurs. La publication montrait ainsi les images de ces rats, sans montrer les rats témoins (et pour cause, ces rats contrôles avaient les mêmes tumeurs, tout simplement car les rats âgés de cette race développent souvent des tumeurs !).

 

Il ne s’agit pas ici de rouvrir le débat, qui est scientifiquement clos.

Les allégations du Criigen ont été invalidées par une vague de réfutations sans précédent et la publication retirée par le Journal scientifique. Ce ne sont pas les théories du complot qui ont suivi ce retrait, ni la « republication » de l’article dans un journal de « science » parallèle qui changent quoi que ce soit sur le plan scientifique.

 

Ce qui mérite aujourd’hui réflexion, c’est que le fer de lance de l’opération médiatique du Criigen ait été le Nouvel Obs, magazine de gauche.

 

Une gauche qui, il y a encore peu, se disait « progressiste » et revendiquait l’héritage de la « philosophie technicienne occidentale ».

 

 

 

A titre d’illustration, je republie ci-dessous

un édito de Jacques Julliard dans le même magazine, trois ans auparavant…

Trois ans pendant lesquels l’écologie d’idéologie - réactionnaire  selon Julliard -  aura imposé son magistère à cette gauche sans doctrine depuis la chute du marxisme. Trois ans, mais précédés de 40 ans de « déconstructions » progressives par l’idéologie postmodernedans les sciences, l’éducation, la culture, l’histoire, …, au profit d’un relativisme généralisé qui ne sait plus distinguer le vrai du faux (comme le Nouvel Obs l’a illustré lors de l’affaire Séralini…).

 

 

Non à la déesse Nature !

Jacques Julliard
Nouvel Observateur, 3-9 décembre 2009

 

Le combat pour l'écologie ne doit pas dériver vers un fondamentalisme réactionnaire.

Nous sommes tous aujourd'hui plus ou moins écologistes, comme hier nous étions tous plus ou moins marxistes. L'air du temps nous y pousse autant que la raison. Mais il y a bien des façons d'être écolo, comme jadis il y avait bien des façons d'être marxiste.

En schématisant, on dira qu'on se trouve ici face à deux pentes différentes et même opposées de la pensée: l'une est fondée sur le droit de l'homme à un environnement naturel de qualité; la seconde, sur le droit de la nature à être respectée par l'homme.

 

La première s'inscrit dans le droit-fil de la philosophie technicienne occidentale, du judéo-christianisme au marxisme et à l'industrialisme, en passant par Descartes; la seconde, qui emprunte aux sagesses orientales mais aussi au romantisme allemand – de Fichte à Nietzsche
et même à Heidegger –, est une remise en question de l'anthropocentrisme occidental.

Que dit saint Paul ? «Le monde est à vous, vous êtes au Christ, le Christ est à Dieu.» Le mystère de l'Incarnation débouche ainsi sur une philosophie technicienne.

Que dit Descartes ? Que l'homme est «maître et possesseur de la nature».

Que dit Marx ? Que la vocation de l'homme est de transformer la nature. La philosophie de l'Homo faber a fait de l'Occident le maître du monde et a servi de modèle aux anciens colonisés eux-mêmes. Qu'est-ce que l'écologie, dans cette perspective ? Un moyen de préserver l'outil de travail et le cadre de vie.

 

A l'inverse, l'écologie fondamentaliste ou deep ecology (1) se refuse à tout céder à l'exception humaine. Elle considère l'homme comme partie intégrante de la nature et ne craint pas de faire son procès chaque fois qu'il se révolte contre sa mère. Elle dénonce «l'espécisme», qui fait de l'homme la valeur unique et ne montre aucun respect envers les espèces inférieures. Ce procès de l'artificialisme humain est déjà tout entier dans le Deuxième Discours de Rousseau, et l'on connaît sa formule provocatrice: «L'homme qui médite est un animal dépravé» (Premier Discours). Seulement, il est de la nature de l'homme de méditer. Rousseau en convient à regret il est même le premier à souligner la perfectibilité de l'homme, c'est-à-dire sa tendance naturelle à dépasser sa nature.

 

Désormais, l'affrontement entre le donné – la nature – et le construit – la culture – est au centre du débat intellectuel et social. Le XVIIIe siècle est encore trop attaché à cette instance immuable qu'est la nature pour concevoir clairement l'idée de progrès. C'est le XIXe siècle qui sera, malgré le romantisme, le grand siècle de cette idée sous sa double face intellectuelle et morale. C'est lui, le progrès, qui est la base de la philosophie républicaine; c'est sur lui que la gauche fonde aujourd'hui encore son identité.

 

Les fondamentalistes de l'écologie développent des tendances proprement religieuses.

C'est donc une grande nouveauté que l'irruption en son sein d'une philosophie conservatrice comme l'écologie: pour la première fois dans l'histoire surgit un parti de gauche qui ne se réclame pas principalement de la transformation de la nature mais de sa préservation. Il y a désormais deux écologies: l'une qui s'efforce de concilier la sauvegarde de la nature avec le progrès; l'autre qui constitue un véritable tête-à-queue par rapport à l'humanisme occidental classique.

 

Les fondamentalistes de l'écologie développent des tendances proprement religieuses; ils diffusent un millénarisme catastrophiste et inquisitorial qui transforme le tri sélectif des ordures ménagères en religion de salut.

 

On se souviendra que dans sa phase ascendante le nazisme s'est complu dans un bric-à-brac naturiste, sur fond de forêt primitive et de sources sacrées, de Wandervögel, de Walkyries et de Walhalla.

 

Et il n'est guère de secte new age qui ne s'adonne au culte de la Lune, ou du Soleil, ou des étoiles. Oui, donc, à l'écologie rationnelle, oui à un nouveau pacte (2) entre l'homme, la nature et l'animal (Michel Serres parle de contrat naturel); non à la réintroduction en contrebande d'une philosophie irrationaliste, anti-industrialiste, réactionnaire, à relents fascistes.

 

(1) Voir le livre lucide de Luc Ferry: «le Nouvel Ordre écologique» (Grasset, 1992).
(2) Voir le beau livre d'Hélène et Jean Bastaire, «Pour un Christ vert», Salvator, 2009.

 

Lire aussi :

Une Gauche anti-science ?

Dossier - Science et raison : où est l’héritage des Lumières ?

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28 juillet 2015 2 28 /07 /juillet /2015 11:12

La participation de non-professionnels à des projets scientifiques n’est pas nouvelle. A titre d’exemple, des botanistes amateurs peuvent connaitre les plantes aussi bien, voire mieux, que les professionnels. Pendant des siècles, la classification des plantes, la collecte de graines, etc. ont existé sans s’habiller du terme « participatif ».

Bien sûr, on peut énumérer les raisons pour que les scientifiques se fassent aider par des citoyens, et argumenter que seraient en baisse la confiance du grand public envers « la science », l’attrait des jeunes pour les disciplines scientifiques, et plus généralement pour la culture scientifique. Admettons que cela appelle des rencontres nouvelles entre scientifiques et non-scientifiques.

 

Pas d’inquiétude donc au sujet de la promotion d’une « science participative » ?

Ne soyons pas naïfs ! Toute adjectivation de la science répond à des objectifs de pouvoir politique. Rappelons la « science prolétarienne » en opposition à la « science bourgeoise », la « physique aryenne » en opposition à la « physique juive » (Einstein).

 

Derrière le terme « sciences participatives », il faut distinguer les démarches qui visent à plus de science de celles qui veulent une autre science.

Le problème est, ici, que la ruse des secondes est de se mêler aux premières - qui servent de cautions. Les associations de malades sont ainsi souvent instrumentalisées, dans des colloques par exemple, comme étant exemplaires de la science participative. Qui peut être contre le rapprochement de la médecine et des malades ? Les deux parties ont chacune intérêt à plus de science, même s’il peut y avoir des divergences de vues.

Derrière ces cautions, d’autres veulent au contraire une autre science, comme ils rêvent d’un « autre monde ». Dans ce cas, le concept de  sciences « participatives » n’est pas éloigné de celui de sciences « citoyennes ». Il s’agit de contrôler l’activité scientifique afin que la science ne produise pas des technologies qui n’ont pas l’heur de plaire à une certaine vision du monde.

 

Une déclinaison de la démocratie participative

Le terme de « sciences participatives » fait parfois écho à celui de « démocratie participative ». Cette dernière est probablement souhaitable si elle est synonyme de démocratie locale.  Cependant, les dangers de la « démocratie participative » ont été soulignés lorsqu’elle se fonde sur les peurs ou lorsqu’elle est monopolisée par groupes d’intérêt qui disent parler au nom des citoyens.

Il en va de même lorsque la science participative est justifiée par de prétendues lacunes du savoir scientifique pour appréhender les « incertitudes » (souvent politiquement construites) au sujet des nouvelles technologies honnies par certains.

 

Les « sciences participatives » dans l’idéologie postmoderne

L’idéologie postmoderne comprend un ensemble de déconstructions qui incluent celle des valeurs des Lumières. Elle n’ouvre pas seulement la porte à toutes sortes de charlatanisme,  elle promeut un relativisme au cœur même de l’activité scientifique.

Nous basculons ici des illusions scientistes d’un Progrès inéluctable par la Science vers un excès inverse : une science qui ne serait qu’une opinion comme une autre, qui produirait plus de mal que de bien, et qui par conséquent doit être maintenue sous contrôle « citoyen », c'est-à-dire captive.

 

La science captive a ses théoriciens au sein des Institutions scientifiques

La « coproduction de savoir » entre scientifiques et « parties prenantes » ou « profanes » (pour reprendre la novlangue du postmodernisme sociologisant ; voir un glossaire) améliorerait la conception des expérimentations scientifiques. Le fiasco de l’essai de sociologie postmoderne appliquée de l’INRA-Colmar montre qu’il s’agit d’une illusion.

L’évaluation scientifique des risques est l’une des cibles favorites des « déconstructeurs » qui souhaitent la relativiser, la sociologiser et la politiser (souvent en abolissant, par glissement sémantique, la différence entre l'évaluation scientifique des risques et leur gestion ; la seconde étant bien du ressort du « politique »).

Cette idéologie, hégémonique dans les institutions scientifiques dès qu’il est question de « controverse », ne dissimule plus ses ambitions de mainmise sur la science.

 

En résumé

Lorsqu’elle crée ou instrumentalise des peurs ou des émotions, la science « participative » - ou « démocratie technique » ou « citoyenneté scientifique » (quel que soit le vocable dont on l’habille) - a un objectif partisan. Sous couvert de science comme « tache collective » ou comme l’ « affaire de tous », il s’agit de mettre en cause l’autonomie et l’indépendance de la science.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 15:52

 La méthode scientifique guide depuis des siècles l’étude des phénomènes naturels, mais cette méthode est progressivement sapée par la pensée dite postmoderne. Celle-ci exerce une influence souvent hégémonique dans les sciences humaines : dans nombre d’institutions, la sociologie des sciences est monopolisée par ce courant.

Désemparés par les querelles politiques autour de certaines technologies, des scientifiques appellent naïvement à la rescousse des sociologues, par exemple, sans s’apercevoir qu’il ne s’agit pas d’une sociologie universelle, mais d’une chapelle qui ne produit qu’une forme particulière de pensée.

En fait, les scientifiques, et plus généralement la société, ont du mal à identifier la menace, et même simplement la nature idéologique de ces courants de sciences humaines. »

Lire la suite

 

Lire aussi mes articles en Anglais:

 

uk-flagThe postmodern assault on science. If all truths are equal, who cares what science has to say? Published by EMBO Reports.

“If there is no universal truth, as postmodern philosophy claims, then each social or political group should have the right to the reality that best suits them. What, then, are the consequences of applying postmodernist thinking when it comes to science? Risk assessment provides illuminating examples of how it corrupts the role of science in the public sphere.”

Read the article

 

uk-flagWhy the postmodern attitude towards science should be denounced. Published by EMBO Reports.

It is regrettable that, as soon as someone denounces attacks on science, some sci­entists feel the need to express mea culpas in the name of all scientists, past and pre­sent. What is at stake with relativists is that they introduce doubt into everything—truth, value, beauty and reason—that goes beyond sociology.

It is unfortunate that some scientists tend to fall into that same trap, confusing the ordinary behaviour of human beings with the capacity of science, as a source of knowledge, to learn about the laws of nature. Relativist ideology is trying to undermine science and it might succeed, especially if scientists themselves express doubts about the honesty and the rational­ity of their own work.”

Read the article

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 10:43

                                                                                                                màj le 19 juin 2011

Certains approuvent, comme Hubert Reeves, l’« Indispensable principe de précaution » :

 « …l’éthique invite à réfléchir sur les finalités d’une politique. Bien sûr, toute bonne politique permettant la suite de l’aventure humaine, donc assurant au mieux la pérennité de notre espèce, est celle dont la finalité vise à préserver ou à restaurer les meilleures conditions de vie pour l’ensemble de l’humanité.

En France le débat sur l’éthique a été abordé lors de la contestation du principe de précaution à adosser à la Constitution. Rappelons de quoi il s’agit : en face d’une incertitude devant une situation présentant des risques graves (et irréversibles pour certains), même en l’absence de preuves formelles, des mesures s’imposent et sans attendre ces preuves. Pas de fuite en avant. Prudence, mais pas inaction. Le principe de précaution, c’est la négation du triste slogan après nous le déluge. C’est l’exercice d’une morale prenant en compte les humains actuels et ceux, pas encore nés, déjà conçus ou pas. » 

 

D’autres opinions, diverses, émettent des critiques qui se rejoignent sur les utilisations à visées politiques du Principe de précaution.

 

Pour Jean de Kervasdoué, Professeur d'économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) , « Avec le principe de précaution, nous torpillons notre industrie et notre recherche » (Figaro magazine, 31 décembre 2010)

 

La présentation intitulée Quo Vadis ? de Maurice TUBIANA -Directeur honoraire de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif), membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie nationale de médecine– lors du Séminaire “Principe de précaution et politique de santéorganisé par l’Académie nationale de médecine et le Centre Georges Canguilhem (Université Paris Diderot).

 

OGM MON810 : comment ruiner en deux jours la crédibilité du principe de

précaution et de l’expertise scientifique? Par Olivier GODARD, Directeur de recherche au CNRS, professeur chargé de cours à l’École polytechnique, Département Humanités et sciences sociales

 

L'observatoire du principe de précaution.

Une interview de François EWALD, Professeur titulaire de la chaire d'assurances du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et directeur de l'Ecole nationale d'assurances.

 

L’inquiétant principe de précaution, par Gérald BRONNER et Étienne GEHIN, PUF, 2010

Vidéo d'une conférence de Gérald Bronner.

 

Travaux parlementaires français :

« Le principe de précaution : bilan de son application quatre ans après sa constitutionnalisation », (COMPTE-RENDU DE L'AUDITION PUBLIQUE du 1er octobre 2009 organisée par M. Claude BIRRAUX, député, et M. Jean-Claude ETIENNE, sénateur).

 

RAPPORT D’INFORMATION fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la mise en œuvre de l’article 5 de la Charte de l’environnement relatif à l’application du principe de précaution (8 juillet 2010), par MM. Alain GEST et Philippe TOURTELIER, Députés.

PP Shadok

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11 avril 2010 7 11 /04 /avril /2010 22:12

 

Le débat sur le changement climatique fait apparaître une nouvelle fois le problème des relations entre Science, Expertise scientifique et formation de l'Opinion publique. Il y a sous-jacente la question de rapports entre la démarche scientifique, par essence non-démocratique (un seul peut avoir raison contre tous, à condition d'apporter une démonstration incontestable) et la décision politique qui doit au contraire résulter d'un processus démocratique.

Les extraits de l'article "Le climat, l’imposteur et le sophiste" écrit par Olivier Godard dans "Alternatives Economiques" représente une réflexion critique intéressante qui dépasse le débat sur le climat et s'applique par bien des points au débat sur les OGM.

Comme il n'est pas question de mettre en cause telle ou telle personnalité, ni de se mêler au débat sur le changement climatique où n'avons pas de compétence, les références à ce débat ont été retirées de son texte. La similarité avec ce que nous connaissons et avons connu pour les OGM est frappante ; on y retrouve les mêmes mécanismes, les même protagonistes (scientifiques, imposteurs, sophistes, journalistes et politiques) et les mêmes pièges pour les scientifiques qui appliquent les règles de leur communauté.

Jean-Louis Prioul

(Professeur,  Institut de Biologie des Plantes,Université de Paris-Sud/Orsay et CNRS)

Lire la réflexion dans son intégralité.

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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 13:01

     Les choix éthiques à propos des OGM sont liés au regard que l’on porte à la Nature. Avec Descartes, la Nature est devenue un objet de connaissance dont la maîtrise apportait un bien pour l’homme, d’où une éthique de la connaissance qui, dans le sillage des Lumières, a été portée par Kant au niveau des catégories de l’entendement humain et par extension est entrée dans le cadre déontologique des devoirs moraux de l’homme envers lui-même et envers autrui.
Si l’éthique déontologique a toujours cours, un changement radical a été apporté par la prise en compte de l’être de la Nature, passé de l’ordre de l’objet admiré et contemplé à celui d’existant, à une subjectivité sans sujet. Ainsi, Hans Jonas, devant les progrès de la technique a dégagé une
éthique de la responsabilité, contribuant à faire passer la morale d’un ordre formel à un ordre concret. Jonas a réagi devant les débordements de la technique mettant en péril la Nature et a contribué de façon importante à l’établissement d’un fondement théorique de l’écologie. Cette dernière attitude s’est développée, mais s’est aussi radicalisée.
Les scientifiques, notamment à propos des OGM, se trouvent très souvent à soutenir à la fois une morale de la connaissance associée à la maîtrise cartésienne de la Nature en vue du bien de l’homme et à développer, devant les excès non contrôlés des technosciences, une
éthique raisonnée du respect de la Nature. Cette éthique, synthèse de deux éthiques différentes révélées par l’histoire humaine, trouve un accord avec une éthique plus pragmatique, développée dans les milieux anglo-saxons, qui sous couvert d’utilitarisme s’écarte - sans doute trop – d’une tradition gréco-européenne attachée à la défense d’une spécificité humaine.

              Régis Mache, Professeur honoraire de l'Université Joseph Fourier, Grenoble

 

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